Le printemps des poètes

2019





        Les bénévoles de la bibliothèque présentent leurs poèmes préférés.








 
               Je te parle
            
          Je te parle du vent. De la menthe qui pousse. 
          De l'immense gris au-dessus de nos têtes. 
          Je te parle des ronces sous la pluie. 
          Des jours qui nous dépassent. Des absents. 
          Je te parle des poussières. Des orages. 
          Du temps qui dégouline au fond du puits. 
          Je te parle de la perte. Je te parle des miettes. 
          Des instants bienveillants. Des cadeaux minuscules. 
          Des cailloux dans la boue. Des fourmis qui veulent vaincre. 
          Je te parle du vide. Des matins où tu rampes. 
          De la peur des enfants. 
          Je te parle de ce que je vois pour dire ce que je ne vois pas. 
          Je te parle du trou. 
          Du vertige de la chute. Du repos sur le bord. 
          Je te parle de cette façon de vivre comme les plantes en courant après la lumière. 
          Je te parle des cendres. De ce que nous goûtons. 
          De ce que nous perdons. Des arrière-goûts. 
          Des espérances. Des découvertes. 
          Je te parle de mes rêves. De ce qui nous déploie. 
          De ce qui nous recroqueville. De la disparition. 
          Je te parle de nous. 
          De ce que nous sommes. De ce qu'il nous reste.
                                        Thomas Vinau – 1978- … Extrait de « Nos cheveux blanchiront avec nos yeux » 2011


Texte choisi par Françoise

 
 



Toute la beauté du monde, 
je ne peux pas te la dire.
Mais rien ne m’empêche
d’un peu l’approcher avec toi.
Il y a de si grands murs
qui cachent les jardins,
des dépotoirs au bord des plages,
des ghettos dans des îles, 
tant de blessures aux paysages.
Par bonheur, 
un peu de splendeur demeure alentour 
et le dire, même tout bas, par amour, 
c’est croire encore qu’un jour, 
nous irons la trouver,
toute la beauté du monde.


                                                                                                                         Carl Norac – 1960 - ....  
                                                            - Le livre des beautés minuscules - 2019
Poème choisi par Marie-Agnès
                 


 
               La beauté



     Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
     Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
     Est fait pour inspirer au poète un amour
     Éternel et muet ainsi que la matière.

     Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
     J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
     Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
     Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

     Les poètes, devant mes grandes attitudes,
     Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
     Consumeront leurs jours en d'austères études ;

     Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
     De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
     Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !



                                        Charles Baudelaire

                                               Les fleurs du mal - 1821-1867

Poème choisi par Marie-Christine et par Françoise


 2018








        Les bénévoles de la bibliothèque présentent leurs poèmes préférés. 










                                        Apparition

                     La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
                     Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
                     Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
                     De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
                     - C'était le jour béni de ton premier baiser. 
                     Ma songerie aimant à me martyriser
                     S'enivrait savamment du parfum de tristesse
                     Que même sans regret et sans déboire laisse
                     La cueillaison d'un rêve au cœur qui l'a cueilli.
                     J'errai donc, l’œil rivé sur la pavé vieilli
                     Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
                     Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
                     Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
                     Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
                     Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
                     Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.

                                    Stéphane Mallarmé  ( 1842 - 1898 )
poème choisi par Marie-Agnès
                                           



Les mots traversent l’éther de la page.
A peine veut-on les saisir, entre deux doigts de fée,
qu’ils meurent et renaissent plus loin :
comme à ce jeu, vous en souvenez-vous,
où il est question d’un bois,
et où demande est faite au loup de signaler sa présence.
Semblablement, le lecteur y est lorsque l’auteur n’y est plus,
tous deux se cherchant en vain dans la forêt de Langue d’Or.

Lire.
Déplier l’échelle qui est dans l’âme,
dont les degrés se perdent de vue,
vers le haut comme vers le bas.
Christian Bobin 
L'enchantement simple - 1990
Poèmes choisis par Françoise


 

                           Le soleil couchant
                           Affûte un érable
                           Et s'éblouit

                           En aval
                           Déjà la nuit
                           S'absorbe et se poursuit

                           Des froids sans écho
                           Glacent la rivière

                           Aucun mot
                           Ne roule
                           Entre les rochers

                           Seule écharde
                           Au flan obscure
                           De la planète
                           Un éclat d'érable
                           Au couchant
                           Rumine un désir
                           De lumière.

                                  Patrick Jocquel   (1959 - ... )
                                  Extrait de Les mots partagés - 2001 (en hommage à Joël Sadeler)
                                               Editions Donner à Voir


Poème choisi par Marie-Agnès






Pivoines
Pivoines fiancées du feu
Des fleurs ? Non pas mais des cascades
Des éprises de cavalcades
Des fleurs ? Non des boulets furieux

 
Pivoines jongleuses d'un dieu
De magnificence et de rage
Le contraire des roses sages
- Et nique aux astres vaniteux!

 
Si rouges que c'est une honte
Si rondes que c'est un défi
Pelotes d'amour et d'épis
- C'est le mai Les révoltes grondent...
                                                               Maximine (1952- ….) 
                                                                         Extrait de Un cahier de pivoines, éd. Arfuyen, 2002
Poème choisi par Françoise




                            Harmonie du soir

          Voici venir le temps où vibrant sur sa tige
          Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
          Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
          Valse mélancolique et langoureux vertige !

          Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
          Le violon frémit comme un cœur qui s'afflige ;
          Valse mélancolique et langoureux vertige !
          Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. 

          Le violon frémit comme un cœur qui s'afflige ;
          Un cœur tendre qui hait le néant vaste et noir !
          Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. 
          Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
 
          Un cœur tendre qui hait le néant vaste et noir !
          Du passé lumineux recueille tout vestige !
          Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
          Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir.

                                           Charles Baudelaire  1821-1867

Poème choisi par Marie-Christine 





2017


Cette année le Printemps des poètes met à l'honneur la poésie africaine francophone.
 


Jeudi 30 mars
                                                                                                                                
Enfant Bench à la fenêtre de sa maison aux murs peints.

( Ethiopie ) in magazine La Vie du 15/03/2017



Un enfant

Un enfant est un enfant
Il n'est ni blanc ni jaune
Il n'est pas noir
Il est couleur d'enfant !
Il n'est ni riche ni pauvre
il est trésor en soi
...
Un enfant est un enfant
Il n'est ni d'Est ni du Sud
Il n'est pas du nord, il n'est pas d'Ouest
Il est du pays d'Enfance

Il n'est ni de droite ni de gauche
Il est du sigle ENFANT
...
Un enfant est un enfant
Il est du pays d'Enfance
...
Gommez haies et barrières
Inconnues au pays d'Enfance
...
Gommez les haies vives
vous êtes au pays d'Enfance
Le pays des rêves bleus.


Bernadette Sanou Dao (1952- ...)  Burkina

Bernadette Sanou Dao


Bernadette Sanou Dao est née le 25 février 1952 à Baguinda (bamako, Mali). A 11 ans, elle revient avec sa famille au Burkina. C'est l'une des premières, sinon la première poétesse du Burkina, plusieurs fois lauréate à l'échelle nationale, elle sera lauréate du prix Jean Cocteau en 1995.
 
°  °  °


Vendredi 23 mars

                         Nouvelles de ma mère
               Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons ;
               En bas je contemple la terre ferme du passé.
               Quand les champs s’ouvraient aux semailles,
               Avant que le baobab n’épaule quelques oiseaux
               Au premier signal du soleil,
               Ce sont tes pas qui chantaient autour de moi :
               Grains de clochettes rythmant mes ablutions.
               Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons.
               Apprends par ce quinzième jour de lune,
               Que ce sont les larmes ― jusqu’ici ―
               Qui comblent ton absence,
               Allègent goutte à goutte ton image
               Trop lourde sur ma pupille ;
               Le soir sur ma natte je veille toute trempée de toi
               Comme si tu m’habitais une seconde fois.
                                                                  Janvier 1965 
                                           Jean-Baptiste Tati Loutard    (1938 - 2009) 


 
        Jean-Baptiste Tati Loutard est un écrivain et homme politique du Congo-Brazaville, né le 15 décembre 1938 à Ngoyo dans la commune de Pointe-Noire et décédé le 4 juillet 2009 à Paris. Considéré comme l'une des voix majeures de l'Afrique francophone, il a publié une dizaine de recueils de poésie et obtenu divers prix.
                                                                                                                                     Wikipédia

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Samedi 18 mars                                              

                                 Pas de nom

                                Non, frère d'outre-mer
                                Surtout pas de nom
                                Je ne suis pas le fils
                                Du vent et des nuages
                                Je suis le fils de la fange
                                De la fange stérile et rouge
                                Sables, montagnes et pierres
                                Je suis le fils de la terre
                                Maternelle
                                Silence, oubli, mépris
                                Je suis l'enfant des douleurs
                                Éternelles
                                Non, frère, je ne suis pas
                                Je ne suis plus
                                Le seigneur du désert
                                Mais l'esclave
                                des horizons nus

                                 Rhissa Rhossey
                         « Jour et Nuit, Sable et Sang : poèmes sahariens » 2005


Rhissa Rhossey - 2006



" Poète touareg d'expression française, Rhissa RHOSSEY est né à Agadez (Niger) en 1972.
Lors de la rébellion des années 1990, il est arrêté à la sortie du lycée et incarcéré à la prison de Kollo, non loin de Niamey. A sa libération, il rejoint la guérilla dans le nord du pays, aux côtés de Mano Dayak.
Aujourd'hui infirmier à Tchirozérine, il est l'auteur d'un premier recueil de poésie dans lequel l'évocation du désert rejoint le combat pour la liberté.  «Jour et Nuit, Sable et Sang : poèmes sahariens » aux Editions Transbordeurs  "
Biographie extraite de l'anthologie " Poésie de langue française " 144 poètes d'aujourd'hui autour du monde (Ed Seghers)


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Mercredi 8 mars 
 

                          Dans tes yeux
                  Dans tes yeux si clairs
                  Je lis les rêves de l'homme.
                  Dans tes yeux si tendres
                  Je contemple la nature en fleurs, épanouie.

                  Dans tes yeux si limpides
                  Je vois tous les yeux 
                  Bleus des fleurs
                  Blancs des montagnes ...

                  Tous les yeux de l'univers.

                  Dans tes yeux si clairs
                  Je relis tous les rêves de l'Homme
                  Et l’Éternité accrochée à tes cils me redit 
                           La mélodie de l'Univers.
                  Dans tes yeux si bleus
                                       Si bleus
                  Fleurit l'Amour.

                           Tes mains


                  Dans les battements 
                            de tes mains d’ange,
                  J'entends tous les tam-tams accordés,
                  Toutes les chansons de l'Univers.

                  Et lorsque je les tiens,
                              tes mains,
                  Je tiens toutes les mains roses
                              des Aurores,
                  Toutes les mains vierges des Espoirs,
                  La main des siècles en guipure au temps,
                  La main des Êtres.
                                                    Bernard Binlin Dadié  ( 1916-      ) 





Bernard Binlin DADIÉ est un écrivain et homme politique ivoirien né à Assinie, au sud de la Côte d'Ivoire le 10 janvier 1916. Bernard Dadié est considéré comme le père de la littérature ivoirienne. Il est l'auteur d'une œuvre véritablement prolifique, qui aborde tous les genres littéraires : poésie, roman, théâtre, chroniques, contes traditionnels.
En 1965 il obtient le Grand prix littéraire d'Afrique noire, et en 2016 le prix UNESCO / UNAM pour son action en faveur de la culture africaine. 
                                                                                                                                                Wikipédia


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Vendredi 3 mars



                 Poème à mon frère blanc

                 Cher frère blanc,
                 Quand je suis né, j’étais noir,
                 Quand j’ai grandi, j’étais noir,
                 Quand je suis au soleil, je suis noir,
                 Quand je suis malade, je suis noir,
                 Quand je mourrai, je serai noir.


                 Tandis que toi, homme blanc,
                 Quand tu es né, tu étais rose,
                 Quand tu as grandi, tu étais blanc,
                 Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
                 Quand tu as froid, tu es bleu,
                 Quand tu as peur, tu es vert,
                 Quand tu es malade, tu es jaune,
                 Quand tu mourras, tu seras gris.

                  
                 Alors, de nous deux,                           
                 Qui est l’homme de couleur ?



                                            Léopold Sédar SENGHOR (1906-2001)





 Léopold Sédar Senghor, né en 1906 à Joal, au Sénégal, et mort en 2001 à Verson en France, est un poète, écrivain. Il fut le premier président de la République du Sénégal (1960-1980), il fut aussi le premier africain à siéger à l'Académie française.

Sa poésie, fondée sur le chant de la parole incantatoire, est construite sur l'espoir de créer une Civilisation de l'Universel, fédérant les traditions par delà les différences. Par ailleurs, il approfondit le concept de négritude, notion introduite par Aimé Césaire qui la définit ainsi : « La négritude est la simple reconnaissance du fait d'être noir, et l'acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture.»

                                                                                         Wikipédia







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