Les bénévoles de la bibliothèque présentent leurs poèmes préférés.
Je te parle
Je
te parle du vent. De la menthe qui pousse.
De l'immense gris au-dessus de nos têtes.
Je te parle des ronces sous la pluie.
Des jours qui nous dépassent.
Des absents.
Je te parle
des poussières. Des orages.
Du temps qui dégouline au fond du puits.
Je te parle de la perte. Je te parle des miettes.
Des instants
bienveillants. Des cadeaux minuscules.
Des cailloux dans la boue.
Des fourmis qui veulent vaincre.
Je te parle du vide.
Des matins où tu rampes.
De la
peur des enfants.
Je te parle de ce que je vois pour dire ce que je ne vois pas.
Je te
parle du trou.
Du vertige de la chute.
Du repos sur le bord.
Je te parle de cette façon
de vivre comme les plantes en courant après la lumière.
Je te parle des cendres. De ce que nous
goûtons.
De ce que nous
perdons. Des arrière-goûts.
Des espérances. Des découvertes.
Je te parle de mes rêves. De ce qui nous déploie.
De ce qui nous recroqueville. De
la disparition.
Je te parle de
nous.
De ce que nous
sommes. De ce qu'il nous reste.
Thomas
Vinau – 1978- … Extrait
de « Nos cheveux blanchiront avec nos yeux » 2011
Texte
choisi par Françoise
Toute
la beauté du monde,
je ne peux pas te
la dire.
Mais
rien ne m’empêche
d’un
peu l’approcher avec toi.
Il
y a de si grands murs
qui
cachent les jardins,
des
dépotoirs au bord des plages,
des
ghettos dans des îles,
tant de blessures aux paysages.
Par
bonheur,
un peu de splendeur demeure alentour
et le dire, même tout bas, par amour,
c’est croire encore qu’un jour,
nous irons la trouver,
toute
la beauté du monde.
- Le livre des beautés minuscules - 2019
Poème
choisi par Marie-Agnès
La
beauté
Je
suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !
Charles
Baudelaire
Les fleurs du mal
- 1821-1867
Poème choisi par Marie-Christine et par Françoise
2018
Les bénévoles de la bibliothèque présentent leurs poèmes préférés.
Apparition
La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
- C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un rêve au cœur qui l'a cueilli.
J'errai donc, l’œil rivé sur la pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.
Stéphane Mallarmé ( 1842 - 1898 )
poème choisi par Marie-Agnès
Les
mots traversent l’éther de la page.
A peine veut-on les saisir, entre deux doigts de fée,
qu’ils meurent et renaissent plus loin :
comme à ce jeu, vous en souvenez-vous,
où il est question d’un bois,
et où demande est faite au loup de signaler sa présence.
Semblablement, le lecteur y est lorsque l’auteur n’y est plus,
tous deux se cherchant en vain dans la forêt de Langue d’Or.
A peine veut-on les saisir, entre deux doigts de fée,
qu’ils meurent et renaissent plus loin :
comme à ce jeu, vous en souvenez-vous,
où il est question d’un bois,
et où demande est faite au loup de signaler sa présence.
Semblablement, le lecteur y est lorsque l’auteur n’y est plus,
tous deux se cherchant en vain dans la forêt de Langue d’Or.
Lire.
Déplier l’échelle qui est dans l’âme,
dont les degrés se perdent de vue,
vers le haut comme vers le bas.
Déplier l’échelle qui est dans l’âme,
dont les degrés se perdent de vue,
vers le haut comme vers le bas.
Christian Bobin
L'enchantement simple - 1990
Poèmes choisis par Françoise
Le soleil couchant
Affûte
un érable
Et
s'éblouit
En
aval
Déjà
la nuit
S'absorbe
et se poursuit
Des
froids sans écho
Glacent
la rivière
Aucun
mot
Ne
roule
Entre
les rochers
Seule
écharde
Au
flan obscure
De
la planète
Un
éclat d'érable
Au
couchant
Rumine
un désir
De
lumière.
Patrick
Jocquel (1959 - ... )
Extrait de Les
mots partagés - 2001 (en hommage à Joël Sadeler)
Editions
Donner à Voir
Poème choisi par Marie-Agnès
Pivoines
Pivoines
fiancées du feu
Des fleurs ? Non pas mais des cascades
Des éprises de cavalcades
Des fleurs ? Non des boulets furieux
Pivoines jongleuses d'un dieu
De magnificence et de rage
Le contraire des roses sages
- Et nique aux astres vaniteux!
Si rouges que c'est une honte
Si rondes que c'est un défi
Pelotes d'amour et d'épis
- C'est le mai Les révoltes grondent...
Des fleurs ? Non pas mais des cascades
Des éprises de cavalcades
Des fleurs ? Non des boulets furieux
Pivoines jongleuses d'un dieu
De magnificence et de rage
Le contraire des roses sages
- Et nique aux astres vaniteux!
Si rouges que c'est une honte
Si rondes que c'est un défi
Pelotes d'amour et d'épis
- C'est le mai Les révoltes grondent...
Maximine
(1952- ….)
Extrait
de Un
cahier
de pivoines,
éd. Arfuyen, 2002
Poème choisi par Françoise
Harmonie du soir
Voici venir le temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qui s'afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un cœur qui s'afflige ;
Un cœur tendre qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un cœur tendre qui hait le néant vaste et noir !
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir.
Charles Baudelaire 1821-1867
Poème choisi par Marie-Christine
2017
Jeudi 30 mars
Enfant Bench à la fenêtre de sa maison aux murs peints. |
( Ethiopie ) in magazine La Vie du 15/03/2017
Un enfant
Un enfant est un enfant
Il n'est ni blanc ni jaune
Il n'est pas noir
Il est couleur d'enfant !
Il n'est ni riche ni pauvre
il est trésor en soi
...
Un enfant est un enfant
Il n'est ni d'Est ni du Sud
Il n'est pas du nord, il n'est pas d'Ouest
Il est du pays d'Enfance
Il n'est ni de droite ni de gauche
Il est du sigle ENFANT
...
Un enfant est un enfant
Il est du pays d'Enfance
...
Gommez haies et barrières
Inconnues au pays d'Enfance
...
Gommez les haies vives
vous êtes au pays d'Enfance
Le pays des rêves bleus.
Bernadette Sanou Dao (1952- ...) Burkina
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