Le Printemps des Poètes 2021 à Cezais

 Les poèmes préférés des lecteurs

 


 


 

 


            Aux arbres


Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous! – vous m’avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour.
La contemplation m’emplit le coeur d’amour.
Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l’esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,

Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l’oeil dans l’herbe profonde,
L’étude d’un atome et l’étude du monde.
                                          Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
                                          Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu!

                                                        Victor Hugo Les contemplations (Extrait)







Demain dès l'aube


Demain , dès l'aube , à l'heure où blanchit la campagne

Je partirai . Vois-tu je sais que tu m'attends .

J'irai par la forêt , j'irai par la montagne .

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps


Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors , sans entendre aucun bruit ,

Seul , inconnu , le dos courbé , les mains croisées,

Triste , et le jour sera pour moi comme la nuit .


Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe ,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur ,

Et quand j'arriverai , je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.


Victor Hugo - « Les contemplations » ( 1856 )

 

 

 

            Un Sourire

            Un sourire ne coûte rien et produit beaucoup,
            Il enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne,
            Il ne dure qu'un instant, mais son souvenir est parfois éternel,
            Personne n'est assez riche pour s'en passer,
            Personne n'est assez pauvre pour ne pas le mériter,
            Il crée le bonheur au foyer, soutient les affaires,
            Il est le signe sensible de l'amitié,
            Un sourire donne du repos à l'être fatigué,
            Donne du courage au plus découragé
            Il ne peut ni s'acheter, ni se prêter, ni se voler,
            Car c'est une chose qui n'a de valeur qu'à partir du moment où il se donne.
            Et si toutefois, vous rencontrez quelqu'un qui ne sait plus sourire,
            Soyez généreux donnez-lui le vôtre,
            Car nul n'a autant besoin d'un sourire
            Que celui qui ne peut en donner aux autres.
 
                        Raoul Follereau -  Le Livre d'amour 1920


( Poème en prose )

Je ne pense pas que la nature connaisse la solitude terrible dans laquelle nous pouvons nous trouver. Je suis parfois soufflé par la conversation incessante du pré qui fait face à la fenêtre devant laquelle j’écris. Je regarde, je n’entends rien, la fenêtre est fermée, et quand bien même serait-elle ouverte, aucune rumeur ne me parviendrait, mais je vois très bien l’agitation des brins. Ils sont comme huilés par la lumière. Si j’avais le talent de regarder à fond – un talent qui me manque trop souvent -, je verrais, parce que je le sens, que chaque brin est différent du brin voisin. Ils sont sans arrêt pris dans un événement. Dans l’événement de la brise, de la pluie, dans l’événement des lumières qui vont, qui viennent, qui s’affairent on ne sait trop à quoi, du jour qui s’en va, du froid qui remonte de la terre. Est-ce qu’il y aura encore un autre jour ? Le pré est rempli de mille questions qui sont sans impatience d’une réponse. (…)


                    Christian Bobinextrait « Le plâtrier siffleur » p.5 - 2018

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